Peut-on éviter la catastrophe climatique ?; La fusion dès 2024; Avenir de l'Homme selon Musk, Bezos, Altman, & more
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Voici donc ma sélection de la semaine très portée sur le climat et l’énergie, COP26 oblige, avec un certain nombre de nuances, mais pas mal de raisons de rester optimiste !
Climat, où en sommes-nous après la COP26 ?
L'objectif à l'issue de la COP26 était de pouvoir dire "‘We are still on track to be well below 2°C, we still have a shot at the 1.5°C.’"
According to the consortium of researchers called Climate Action Tracker (as reported by The Economist) :
the latest number-crunching suggests that the plans of the 193 parties to the agreement collectively carve a path to approximately 2.4°C of warming by the end of the century.
According to the International Energy Agency :
Ahead of COP26, the IEA had estimated that if countries implemented all their near- and long-term commitments in full (a very big if), the world would be on track for 2.1C warming.
Now, after two weeks of new pledges, the world is on course for a significantly lower 1.8C of warming.
While 0.3C might seem small, it would make a huge difference, especially for the most vulnerable countries on the frontlines of extreme weather events.
(à noter que si on regardait d’abord les émissions cumulées depuis le début de la Révolution Industrielle, ce qui ne serait pas illogique, ce serait les pays occidentaux bien sûr qui seraient en tête)
ça ne semble pas très bien engagé, mais vous verrez dans le reste de cette newsletter qu’il y a des raisons de penser que la transition écologique pourrait s’accélérer
Pour survivre à la catastrophe climatique, il faudra capturer des tonnes du carbone contenu dans l’atmosphère
Le GIEC le dit clairement dans ses modèles, si on veut tenir nos objectifs, il faudra réussir à retirer de l’atmopshère des tonnes et des tonnes du carbone/CO2 qu’on y injecte par ailleurs, pour devenir neutre et même compenser les émissions passées (émissions négatives, cf courbe bleu foncé sur premier graphique plus haut qui finit sous zéro)
On émet chaque année au niveau monde ces dernières années environ 50 milliards de tonnes d’équivalent CO2 par an : si on pouvait en retirer 20 milliards chaque année, cela ajouté aux baisses à prévoir avec les efforts qui vont être faits, plus le fait que la nature absorbe aussi déjà chaque année une partie de nos émissions, on devrait être sauvé!
Que ce soit avec des machines absorbant le CO2 de l’air où à la sortie des usines polluantes (à stocker ensuite en sous-sol), ou en cultivant des algues sur des milliers de km2 en mer (à faire plonger dans les fonds marins ensuite), les chercheurs ont bon espoir de faire baisser le coût de captation et stockage en dessous de 100$ par tonne de CO2 équivalent à horizon 2030.
100$/tonne*20 milliards de tonnes/an = 2,000 milliards de $/an
Le PIB mondial est de 84,500 milliards de $/an
Le coût annuel à investir représenterait donc 2,3% du PIB mondial pour sauver la planète !
ça paraît jouable! Y’a plus qu’à…
Hallucinant : cette startup entend commercialiser sa centrale à fusion nucléaire dès 2024 (Techcrunch, CNBC)
“We are building systems that are about the size of a shipping container (12 meters long, 2,5 meters wide, 2,6 meters high!!!) and that can deliver on the order of 50 megawatts of electricity, enough to power continuously around 40,000 homes"
Pour info, la France avait une capacité de production d'électricité de 135,000 megawatts en 2020 : pour avoir la même capacité avec ces centrales à fusion de la taille d'un container, il faudrait 81,000 m2, soit environ 12 terrains de football (voire beaucoup moins si il était possible de les empiler)
"We are excited about being at the 50-megawatt scale, and being able to get electricity costs down to a cent per kilowatt-hour."
Pour se donner une idée, en France le kilowatt-heure coûte environ 15 centimes pour le consommateur final
“Our 2024 date is not a key demonstration of the science at this point. The goal is to go after commercially installed power generation. There’s a huge market, and we want to be able to get this out in the world as soon as possible,” concludes Kirtley.
L'entreprise vient de lever 2,2 milliards de US$, un round mené par Sam Altman (voir prochain article) : he put $375 million into Helion, his largest investment in a start-up ever.
"by far the most promising approach to fusion I’ve ever seen,” said Altman. “With a tiny fraction of the money spent on other fusion efforts, and the culture of a startup, this team has a clear path to net electricity. If Helion is successful, we can avert climate disaster and provide a much better quality of life for people.”
Altman visited four fusion companies, and made his first investment of $9.5 million into Helion 2015.
“I immediately upon meeting the Helion founders thought they were the best and their technical approach was the best by far,” said Altman .
Nuclear fusion is the ephemeral holy grail of climate technology. It would provide nearly limitless amounts of clean energy without the byproduct of long-lasting radioactive waste to be managed.
One interesting innovation in Helion’s power generation solution is that it doesn’t use water and steam as intermediary steps in the power generation
La vision de Sam Altman pour le futur de l'humanité : une société d'abondance permise par la technologie, en voici les 3 piliers (source) :
Sam Altman, 36 ans, en photo ici, est un personnage à suivre (voir plus haut son investissement dans la fusion nucléaire):
ancien CEO de Y-Combinator, un des incubateurs de startups les plus célèbres aux Etats-Unis
actuellement CEO d'OpenAI, "an AI research and deployment company. Our mission is to ensure that artificial general intelligence benefits all of humanity." co-fondé avec Elon Musk
Les 3 dimensions de sa vision :
1. Artificial intelligence, Altman said, will drive the cost of goods and services down with exponential increases in productivity.
2. Universal basic income will be necessary to pay people’s cost of living in the transition period where many jobs are eliminated.
3. Virtually limitless, low-cost, green energy
“decreasing the cost of energy is one of the best ways to improve people’s quality of lives,” Altman said.
“So for the same reason I’m so interested in AI, I think that fusion, as a path to abundant energy, is sort of the other part of the equation to get to abundance,” Altman said
"I think fundamentally today in the world, the two limiting commodities you see everywhere are intelligence, which we’re trying to work on with AI, and energy"
…mais Elon Musk précise cette semaine qu'il n'y aura même pas besoin de la fusion, car on reçoit assez de soleil pour nos besoins, et il y a autant de lithium (ingrédient des batteries) que de nécessaire pour la transition énergétique et plus encore (bon, ce n'est pas aussi simple)
Elon Musk expliquait dans un entretien le 17 novembre 2021 que l'énergie reçue du soleil est largement suffisante pour satisfaire tous nos besoins, même pas besoin de la fusion,
et qu'il y a assez de matière sur Terre pour créer tous les panneaux solaires ainsi que toutes les batteries dont nous avons besoin pour stocker assez de cette énergie intermittente quand elle fait défaut.
Assez pour même plus de 10 fois nos besoins ("an order of magnitude more than our current civilization").
Pour ce qui est du soleil, il n'a pas fondamentalement tort :
Le soleil baigne la Terre de rayons d'une puissance continue de 173,000 terawatts quand l'humanité fonctionne à une puissance d'environ 15 terawatts
Pour se donner une idée : 10,000 km2 of Solar in the Sahara could roughly provide all the world’s energy needs, that's a square 100km by 100km (source) : that is 0,1% of the surface of the Sahara
une autre calcul montre qu'en Europe, si on électrifie toute notre activité (en fabriquant du fuel de synthèse grâce à de l'énergie électrique pour les usages irréductibles), et qu'on veut tout pouvoir couvrir avec le solaire électrique, il faudrait recouvrir 6% “seulement” de la surface de l'Union Européenne avec des panneaux solaires
Et Elon Musk ajoute qu'il y a tout le lithium (et le fer) qu'il faut sur Terre pour fabriquer toutes les batteries nécessaires au stockage de l'énergie électrique solaire qui peut à elle seule suffire à garantir tous besoins, "it's basically everywhere".
Il n'a pas tort non plus en soi :
According to the International Lithium Association (ILiA), natural lithium minerals are relatively abundant and found in many countries.
Currently there are large industrial operators in Australia, Chile, Argentina, Bolivia, China, Brazil, Zimbabwe and Portugal, that produce lithium raw materials at significant scale, although this number is set to rise as lithium production increases to meet demand.
Mais à court et moyen termes il y aura beaucoup de frictions.
Voyez déjà pour ce qui est des batteries de voitures électriques :
The International Energy Agency (IEA) has estimated that the growth in EVs (Electric Vehicles) could see lithium demand increase by over 40 times by 2030, according to ILiA
Building a lithium mine takes 7 years and many automakers want high-quality batteries. Mines are huge investments, much like chip fabrication plants
Experts say there are bottlenecks in the conversion processes needed to produce usable lithium.
Plants take years to reach full production and this, combined with accelerating demand, means supplies will remain tight and prices high.
La fission nucléaire est-elle la solution en Europe pour décarboner notre énergie?
Techniquement oui, mais il faut prendre conscience de l’effort
Aujourd’hui on compte 106 réacteurs en activité dans l’Union Européenne, (dont 56 en France), pour une puissance installée de production de 104 giga-watts
Si on électrifie toute notre énergie et économie dans l’UE (comme vu plus haut, en fabriquant du fuel de synthèse grâce à de l'énergie électrique pour les usages irréductibles) et qu’on veut tout couvrir avec le nucléaire, il faudrait multiplier le parc existant par 25 : il faudrait construire dès que possible plus de 2000 gros réacteurs d’1 giga-watt (plus de 6000 si petits Small Modular Reactors dont parlait Emmanuel Macron, de moins de 0,3 giga-watt)
compte tenu de l’opposition au nucléaire en Europe, de l’inertie, et des délais de construction, cela paraît impossible
espérons qu’un panachage de fission, fusion, solaire et autres renouvelables suffiront à nous décarboner, mais la tâche est immense…
On continue sur l’énergie : The unstoppably good news about clean energy (source and here)
When the Paris Agreement was signed in 2015, the International Energy Agency thought :
the cost of solar electricity in 2040 would still be higher than that of electricity from fossil fuels,
but : According to BloombergNEF, by 2020 some 90% of new electricity generation was cheaper from renewables than from fossil fuels
and expected deployment of only a cumulative 360 GW of solar by 2020.
but : 710 GW of solar was actually deployed
la bonne nouvelle : plus on déploie ces nouvelles technologies, plus leur prix baisse, c'est la courbe d'apprentissage (on apprend à faire mieux à force de faire, et grâce aux économies d'échelle)
The 4 technologies which are on established learning curves are : solar photovoltaic wind, battery storage and electrolyzers to convert electricity into hydrogen.
A recent paper by Oxford University found that their costs have dropped for every doubling in deployment between 16% and 34%
but the additional point that’s made by this paper is that when technologies get onto learning curves, they tend to stay on them for very long periods.
the point is that cheap renewable energy is going to get cheaper and bigger and spread globally. And when it’s followed up by these other technologies that are also on learning curves, it will provide us with the energy that we need at much lower cost.
If you go back to debates held about 20 years ago, you’ll see these very fancy letters from the Irish and German grid operators saying that variable renewables can never be more than 2% of the capacity for all sorts of technical reasons
but actually what’s happened continuously is that people have come up with new solutions, be they demand-side management or supply-side management or batteries or interconnectors or better software or digitalization or smart meters and so forth.
How falling costs break through barriers:
An all-electric plane capable of carrying 100 people may be available by 2027 (Bloomberg)
By the Los Angeles-based manufacturer, Wright Electric Inc
a range of about 1 hour or 750 km
The converted planes would be suited to linking close city pairs such as New York and Boston, Rio de Janeiro and Sao Paulo and many European locations currently served by regional jets, the Airbus A320 family or Boeing Co. 737s.
À quand les vols commerciaux de la fusée Starship, 5 à 10 fois moins chers que Falcon 9 ? "2 years from now" annonce Elon Musk
Sachant que la Falcon 9, en activité, à 2,600 $ par kg envoyé en orbite basse, est déjà moins chère que ce que prévoit de faire Ariane avec Ariane 6 (pas encore en activité, coût de 6,000 à 8,200 $/par kg)
(et à noter que la Falcon Heavy, en activité, composée de 3 premiers étages de Falcon 9 offre un coût de 1,500 $ par kg envoyé en orbite bass)
Une douzaine de tests d'envoi du Starship en orbite sont prévus pour 2022, le premier devant avoir lieu dès janvier possiblement,
"ready for viable payloads in 2023"
Voir Elon Musk à la 49ème minute ici, cela date du 17 novembre 2021
Elon Musk et Jeff Bezos : 2 visions de l'Homme dans l'espace, réitérées ces dernières semaines (intervention de Bezos, celle de Musk)
Elon Musk pense que l'Homme fait face à des risques existentiels sur Terre et qu'il faut donc s'implanter ailleurs dès que possible, et sur des planètes de préférence, à commencer par Mars
Jeff Bezos ne raisonne pas en termes de risques existentiels, il dit simplement que si on veut continuer à croître, si l'humanité doit compter des milliers de milliards d'individus à terme, ce qui est souhaitable selon lui, alors cela ne pourra s'envisager qu'en allant dans l'espace, et en créant de vastes colonies spatiales (stations en rotation sur elles-mêmes et offrant l'équivalent de la gravité terrestre), plutôt qu'en allant sur des planètes qui restent rares et qui n'auraient pas nécessairement les niveaux de gravité et d'ensoleillement désirés
En effet, en minant toute la masse de l’astéroïde Cérès (950km de diamètre), c’est l’équivalent de 400 fois la surface émergée de la Terre que l’on pourrait construire sous la forme de telles sations spatiales (voir la partie 2.c de mon article Pourquoi il n’est pas fondé d’envoyer l’Homme sur Mars pour fonder une nouvelle civilisation)
Elon est revenu cette semaine notamment sur les risques existentiels qu'il perçoit : changement climatique, risque nucléaire, déclin démographique, pandémie, IA
En réalité, si à terme, dans plusieurs centaines de millions d'années, l'expansion du soleil fera s'évaporer les océans et rendra la Terre invivable, d'ici là il n'existe pas de risque crédible à même d'exterminer Sapiens de la surface de la Terre, nous avons le temps de voir venir, rien ne presse...
Autrement dit, la pire des catastrophes crédibles à horizon de milllions d'années laisserait la Terre toujours infiniment plus habitable que n'importe quel autre endroit connu dans notre galaxie
Ainsi, après la pire de ces catastrophes crédibles, il y aurait des survivants sur Terre, et ils seraient les mieux placés pour reconstruire la civilisation
voir les parties 2, 3 et 4 de mon article Pourquoi il n’est ni nécessaire ni suffisant d’envoyer l’Homme sur Mars pour garantir la survie de l’humanité. J’y passe en revue et démystifie ces risques existentiels supposés : holocauste nucléaire, IA, pandémie, sursaut de rayons gamma, supernova, inversion du champ magnétique terrestre, trou noir, tempête solaire, supervolcan, collision avec une étoile ou avec une planète errante, réchauffement climatique et enfin le risque plus souvent cité, le risque d’impact météoritique.
Si je partage plutôt la vision de Jeff Bezos (les stations spatiales semblent plus intéressantes s'il fallait trouver où habiter en masse dans l'espace), ce qu'on peut sans doute objecter aux deux : mais pourquoi diable les Hommes voudraient-ils aller habiter par millions ou milliards dans l'espace ?
La population humaine devrait connaître son pic au XXIème siècle (du fait de la chute de la fécondité liée notamment à l'émancipation et l'éducation des femmes), et grâce au progrès technique, la transition écologique va finir par s'accomplir même si au foreceps et non sans heurts : à terme l'humanité devrait pouvoir vivre confortablement sur Terre dans un monde d'abondance avec une énergie propre largement suffisante, et en recyclant infiniment les ressources dont nous avons besoin.
D'autant que de plus en plus de ce qu'on voudrait faire dans l'espace (industrie, science, etc.) pourra être accompli par nos robots toujours plus agiles et intelligents.
On ira bien dans l'espace pour le tourisme, mais il semble douteux qu'on ait besoin d'y migrer par milliards...
Je reviens en longueur sur cette question dans un article écrit plutôt cette année où je fais la revue critique d'un livre qui se demande s'il faut "coloniser" l'espace, article publié sur le site du think tank Next Humanity
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C'est tout pour cette semaine !
Merci, et bon week-end !
Thomas